3 manières dont l’architecture et le design d’information peuvent vous aider à transformer l’innovation

Lorsqu’une transformation est en cours au sein d’une organisation, plus particulièrement en situation forte d’incertitude, la question devient rapidement humaine : quel niveau de conversation comptez-vous mettre en œuvre ? Quelle qualité de relation allez-vous créer avec une audience pour instruire ces changements ? Entre les diagrammes de plans annuels et séminaires d’inspiration, les dispositifs ne manquent pas. Seulement, ils peuvent manquer un aspect essentiel de la résilience d’une organisation : la création d’un sens commun vers l’action. La conception de dispositifs de médiation originaux offre différents niveaux de réponse aux moments-clés d’évolutions. En engageant les équipes par la création d’expériences narratives à partir de données, le design d’information permet aux publics de comprendre les enjeux offerts, mais aussi se les approprier pour y répondre.

Modéliser les enjeux stratégiques pour aligner les acteurs

Lors du développement d’une innovation, ce qui se joue, au-delà de la création de valeur, c’est la définition d’alternatives stratégiques avec lesquelles l’organisation doit composer : sélectionner certaines initiatives, stopper le développement d’autres… Comment aligner les acteurs sur ces choix ? Comment réussir à convaincre d’allouer des nouvelles ressources au projet ?

Les modélisations permettent de raconter un diagnostic, une expérimentation menée ou bien les objectifs stratégiques d’un sujet. Ainsi, elles orientent et guident les choix de conception à venir. Les décideurs partagent alors une vision commune des expérimentations (et de leurs évaluations). Le design d’information permet ici de s’assurer que l’organisation garde un cap en cohérence avec la vision d’usage du produit ou du service, à toutes les étapes de développement du projet d’innovation : il y a une continuité du paradigme cognitif entre les intentions stratégiques et les expériences issues du processus de conception.

Lors d’un projet récent avec un acteur industriel et pour un public composé d’ingénieurs et développeurs, nous avons ainsi mis en scène les critères cibles qui permettront une évaluation des futurs développement du point de vue de l’usage. Lors d’un autre projet, nous avions développé un langage commun à destination des concepteurs des futures stations (architectes) du réseau Grand Paris Express, afin de leur fournir un référentiel commun de conception et d’évaluation des parcours voyageurs.

Matrice des espaces service au sein d’un espace gare — Projet Attoma pour le schéma directeur du Grand Paris Express
Référentiel d’évaluation de la qualité perçue — Projet Attoma pour le schéma directeur du Grand Paris Express

Organiser l’expérience de situations futures pour préparer les mutations d’un secteur

“Si le Design est défini comme une enquête sur la situation d’utilisation future, alors la co-conception est l’exploration collaborative des futures situations d’utilisation”

ELIZABETH SANDERS

Développer des projets de transformation demande aussi la création d’une dynamique à l’intérieur de l’organisation. Comment s’approprier les évolutions ? La médiation d’informations via la métaphore, la mise en scène et la manipulation peuvent aider à concevoir le quotidien futur (se projeter dans de nouveaux échanges, imaginer de futur locaux ou équipements, intégration). Elles permettent aussi l’intégration de l’expertise dans le cadre d’un processus métier qui évolue : par exemple faire atterrir de nouveaux rôles au sein de l’organisation.

Les enjeux de conception ne se situent plus uniquement dans la capacité du designer à représenter, via le design d’information, des situations futures. Mais plutôt de concevoir les outils (génératifs ou non) capables de supporter la réflexion et la mise à plat de connaissances d’un groupe. Ces objets-frontières sont la base pour la constitution d’une communauté de projet (à court ou moyen terme) dont les membres ont parfois des intérêts divergents.

Pour favoriser la projection et l’implication des acteurs, la navigation entre 3 composantes principales permet d’avancer dans la conception de scénarios futurs (Liz Sanders).

Fabriquer (Make) : Utiliser ses mains pour externaliser et incarner des idées sous forme d’artefacts physiques (collages, mockups…)

Raconter (tell stories) : Description verbale de scénarios futurs d’utilisation (organisation de ces scénarios à partir de logs d’information : photos, vidéos, symboles, dessins…)

Mettre en scène (Enact) d’informations : La mise en scène (ou la simulation) consiste à utiliser le corps dans l’environnement souhaité pour exprimer des idées sur des expériences passées, présentes ou futures (mise à disposition d’un plateau de jeu, règles d’utilisation ou contraintes, pièces de ce jeu).

Source : Sanders, Elizabeth & Stappers, Pieter Jan. (2014). Probes, toolkits and prototypes: Three approaches to making in codesigning. CoDesign. 10. 10.1080/15710882.2014.888183.

Peu importe par quel moyen vous entrez dans une de ces catégories, l’important est ici de naviguer, de les combiner de manière à s’adapter à la dynamique du groupe et la maturité du projet. Ainsi, au début d’un processus de transformation, les artefacts à produire seront plutôt de l’ordre de la carte (cartes d’expérience, des futurs, des espaces…) que l’on décrit, car à ce stade, tout reste à comprendre sur les motivations “profondes”. Dans la suite du projet, il s’agira de développer des prototypes que l’on souhaite “vendre” (pour obtenir un buy-in interne par exemple).

Développer un langage de vérité, valide entre les acteurs du projet

Plus les projets de transformation d’une organisation sont éloignés de son cœur de métier, plus le besoin est grand de s’ouvrir à des partenaires extérieurs. Chacun des partenaires embarque alors, au-delà de ses promesses d’alliance, des régimes de vérité qui lui sont propres. Ces derniers sont institutionnalisés dans des discours, méthodes et artefacts. L’enjeu est alors de comprendre comment dépasser ces frontières et établir une convergence entre acteurs : composer une communauté de discours, une infrastructure propice au développement d’artefacts renouvelés (connaissances, modes de financement, systèmes de prises de décisions, compétences…)

Entre environnements où les régimes de vérité sont historiquement ancrés (comme la mobilité), les relations sont parfois conflictuelles et la validité de nouveaux discours très complexe à obtenir. L’enjeu du design d’information est alors de dépassionner les débats, en ramenant les discussions autour d’aspects plus “rationnels”, médiées si besoin de connaissances extérieures : Recensement puis analyse des catégories et objets perçus par des usagers (de quoi parle t-on quand on dit “direction” ; “train” ; “Ligne”…) au prisme des dernières connaissances en cognition puis développement d’une nouvelle stratégie de nommage par la recomposition d’éléments existants.

Taxonomie informationnelle – Projet Attoma pour IDFM

La structuration, puis la représentation de ces nouveaux régimes de vérité permettent de poser les bases de discussions communes. De cette base pourront émerger de nouveaux artefacts par décomposition, recomposition puis transformation en projets inédits.

Ainsi, suivant Krippendorf, pour qu’un artefact de design soit perçu comme acceptable par deux communautés, il faut qu’il soit lisible, discutable, utilisables en situation. Par conséquent, la matière créée par le design doit présenter les caractéristiques suivantes :

reproductible et communicable au sein de la communauté de discours : concevoir des objets qui répondent aux normes de partage dans les deux entités (si le mode de partage est celui de revues  trimestrielles de projets, quels sont les attendus de ce type de comité ?)

lisible (c’est-à-dire, faisant sens pour ses membres) : Le développement de codes narratifs à la frontière entre la réassurance et l’émergence (pensons ici aux termes “voiture” , “conducteur” conservés lors de l’émergence de l’automobile afin de parler aux usages existants, qui concernaient alors la calèche tirée par des chevaux)

– considérée comme cohérente avec les pratiques au sein de la communauté : Développer une architecture de travail compréhensible par l’ensemble des acteurs

– Ouvert à de prochaines compositions et recompositions : Développer une architecture d’information ouverte, susceptible de faire l’objet de citation, de référence, d’interprétation, de révision, de renouvellement (les outils type Miro ou Figma permettent ainsi d’ouvrir le travail réalisé)

L’architecture d’information : un sujet toujours d’actualité ?

L’avénement des outils dits “AI” au service d’usages grand public pose la question du sens de nos représentations. Si l’immédiateté des visualisations nous est permise, que pouvons-nous espérer désormais ?

L’architecture d’information permet de traduire la donnée disponible en expérience(s) : actionner le savoir, engager les équipes, activer la transformation en sortant du niveau stratégique pour aller vers l’opérationnel et la mise en action, via la création de sens commun. L’enjeu partagé par le designer et son donneur d’ordre dans les projets aux forts degrés d’incertitude, c’est de comprendre l’information disponible pour en tirer une connaissance : définir l’espace de valeur, comprendre comment un environnement se structure, qualifier l’espace des possibles. Au sein de ces projets, la pratique du Design est stratégique. En assurant la qualité de la conversation entre les individus et leur environnement, elle permet l’accouchement d’un “milieu associé au concept” (Simondon). C’est une socialisation de la connaissance, qui permet l’entretien de la compétence, un actif stratégique pour les organisations.

Passeur culturel entre époques, le Designer permet la synthèse à dessein de faire advenir la transformation. Avec (ou sans) Midjourney.

Vous voulez en savoir plus ? Engager une conversation ? Écrivez-nous à attomalab@attoma.eu

Simon est consultant senior Design et Innovation. Il accompagne les clients Attoma dans la recherche et l’exploration de nouvelles propositions de valeur par une conception soutenable, basée sur les usages, et informée par la recherche de preuves transformatrices. Il pilote des missions dans les domaines Power & Utilities et Industries manufacturières.